Alain Durand
Un hymne au libre arbitre

Autant le dire tout de go, on a affaire ici à un roman très dense. A sa lecture, on comprend pourquoi il a fallu trois ans à Leonardo Padura pour écrire cet opus de 714 pages. Hérétiques englobe à la fois le genre policier, aventure, épopée et récit historique. Il est présenté en quatre parties intitulées chacune « Livre de … » comme un récit biblique.
Dans la première, « Livre de Daniel », nous faisons la connaissance avec le jeune Kaminsky, vivant à Cuba avec son oncle, et sa famille, de confession juive, obligée de fuir l’Allemagne nazie. Nous les retrouvons en 39, à bord du S.S. Saint-Louis sur le point de débarquer à la Havane. Avec eux, un trésor : un Christ, peint par Rembrandt en personne. Ce tableau, pensent-ils, peut servir de monnaie d’échange contre un titre de séjour. Mais c’est sans compter sur l’ironie du sort : le bateau repart, d’abord vers les Etats-Unis qui les refuseront également puis retour en Allemagne où l’on sait le sort réservé à ses passagers. Que s’est-il passé ? Et la toile ? Pourquoi la retrouve-t-on en vente à Londres quelques décennies plus tard ? L’intrigue est plantée.
Pourquoi j’ai aimé ce livre ?
Pour une découverte, que dire de la virtuosité de cet écrivain ? Quels moments de lecture extraordinaires ! Sur le contenu, le propos du livre est centré sur l’exercice du libre-arbitre des principaux protagonistes, lesquels peuvent être amenés à faire des choix à l’encontre de leurs communautés respectives. Ce côté quelque peu iconoclaste, j’aime beaucoup. Qu’il est aussi intéressant de « sentir » l’atmosphère de la Havane sur un demi-siècle, ville personnage à part entière. Que dire aussi du deuxième livre, qui se déroule au milieu du XVIIème à Amsterdam : l’atelier de Rembrandt, le protestantisme, le judaïsme… Je me suis vu, à côté des tous ces personnages, compatissant à leurs déboires, encourageant leur débrouillardise pour se créer leur monde idéal dans un univers difficile pour le moins.